Dans Fondation Foudroyée et Terre et Fondation (Tomes IV et V de la saga Fondation d’Isaac Asimov), l’Homme dirige un astronef par la pensée, via le contact de sa paume avec le tableau de bord. Aujourd’hui, Facebook ambitionne de se lancer dans cette voie. L’interface humain-machine ne serait-elle plus seulement un rêve de science-fiction ?

1/ Contexte

Les 18 et 19 avril 2017, à San José en Californie, se tenait la F8, l’occasion de découvrir les projets de Facebook en la matière. F8 est la conférence organisée chaque année par Facebook pour faire se rencontrer les développeurs et entreprises des technologies du futur.

Avec les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), Facebook s’engage aussi dans le transhumanisme, et chacun y va de sa contribution : lentille connectée pour diabétiques, intelligence artificielle…

Aujourd’hui, Facebook propose de connecter l’Homme et la machine pour permettre au premier de communiquer à la seconde par la pensée, et d’entendre par la peau.

2/ Des enjeux technologiques et humains

Les objectifs sont divers.

On peut noter un premier objectif d’optimisation des techniques de communication, encore trop lentes par rapport aux capacités du cerveau. L’idée serait de créer, dans les 2 prochaines années, un logiciel capable de décoder les pensées et de les retranscrire directement sur un ordinateur, à la vitesse de 100 mots par minute.

Autre objectif louable : permettre à un individu paralysé d’écrire directement avec ses pensées. Krishna Shenoy, professeur à l’Université de Stanford, située au cœur de la Silicon Valley, et qui travaille avec Facebook, a déjà mis au point un implant permettant cette fonctionnalité, bien qu’encore limitée à 8 mots par minute. L’outil est directement implanté dans le cerveau du patient.

Facebook essaie également de mettre au point un système permettant à la peau d’entendre, à l’instar du braille. Ce système permet à l’être humain de ressentir et de reconnaître les fréquences acoustiques des mots sur son bras.

Selon Facebook, cela permettrait aux handicapés et aux illettrés d’avoir un meilleur accès à la connaissance.

Mais la question qui plane derrière ces nouvelles technologies est la suivante : Qu’en est-il de la protection de nos données personnelles ? De nos pensées, de nos corps, auxquels se greffent ces nouveaux outils pour autoriser l’échange de ces données ?

3/ D’une application révolutionnaire à une question de vie privée

Chez Facebook, la nouvelle division chargée de la recherche dans ces domaines et de la construction de nouveaux produits hardware est Building 8. Elle est dirigée par Regina Dugan, ancienne responsable de la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency), laboratoire R&D de nouvelles technologies dans le domaine militaire du Département de la Défense des USA. Regina Dugan a ensuite dirigé plusieurs travaux chez Google (appareils de cartographie en 3D, smartphones modulaires…), d’où elle a été débauchée par Facebook en 2016.

En outre, Facebook n’oublie pas les nombreux partenariats nécessaires à sa recherche avec les Universités de Berkeley (Californie), John Hopkins (Maryland)…A l’avenir, le défi sera de mettre au point ces outils sans intervention chirurgicale.

Dans le domaine de l’interface Homme-machine, Facebook rejoint ainsi Neuralink, créé par Elon Musk en 2016. Cette dernière ambitionne aussi de connecter le cerveau humain à l’intelligence artificielle, via des applications déjà bien avancées dans cette direction, telle que la puce TrueNorth développée par IBM, émulant les capacités du cerveau humain par ses capacités d’apprentissage deep-learning.

L’idée de la société Neuralink est de synchroniser la machine avec les neurones pour permettre une transmission d’informations entre les deux.

Mais pour l’heure, Facebook reste modeste. Le cerveau devrait être capable, bientôt, de répondre oui ou non à une question posée par l’ordinateur, et de vivre des expériences de réalité augmentée sans téléphone. A terme, Regina Dugan souhaite que l’on n’ait plus besoin d’apprendre des langues : le langage serait réduit à une « pensée compressée », qui serait ensuite « décompressée » dans une autre langue.

Jusqu’où peuvent alors aller les nouvelles technologies dans l’intimité de notre cerveau ? L’on croyait celui-ci encore à l’abri de ces technologies, nos pensées encore protégées dans notre boite crânienne, parce qu’on les jugeait principalement immatérielles et inaccessibles par nature.

Mais si l’ordinateur peut maintenant y avoir accès, comment contrôler cet accès ? Comment protéger notre intimité d’une erreur de la machine, de nos propres erreurs ? S’il est une chose incontrôlable, c’est bien le déroulement de nos pensées. Mais l’on pouvait encore les cacher à l’intérieur.

Aujourd’hui, si nous ne contrôlons pas nos pensées, l’ordinateur peut-il y avoir accès et les retranscrire alors même que la personne intéressée ne le souhaite pas ? L’ordinateur peut-il faire la différence entre les pensées que l’on souhaite garder pour soi et celles que l’on veut exprimer ? La liberté d’opinion, énoncée à l’article 10 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (DDHC), n’est-elle pas en danger ? Le fait même d’avoir accès à ces opinions puis de les exprimer sans le consentement clair ou évident de son propriétaire pourrait même exposer celui-ci, au-delà de la violation de sa liberté d’opinion, à l’engagement, à terme selon l’évolution de ces interfaces et leur champ de communication, de sa responsabilité pour abus de la liberté d’expression (article 10 et 11 DDHC).

Quant aux données ainsi transmises ou extraites, que deviendront-elles une fois retranscrites par l’ordinateur ?

Comme toujours lorsque la technique crée de nouveaux modes de communication, l’une des principales questions qui se pose est celle de la protection de la vie privée. Le transfert de données personnelles entre le cerveau et la machine présente-t-il un risque pour celle-ci ?

Facebook estime ces craintes injustifiées. Pour Regina Dugan, « Il ne s’agit pas pour nous de lire vos pensées, Facebook n’a pas ce droit ». Elle argue du fait que comme sur Facebook, la personne intéressée aura le contrôle de ce qu’elle partage ou non. Mais cette question est, l’on vient de voir, bien plus complexe qu’elle n’en a l’air : encore faudra-t-il apprendre à se servir de la machine, mais aussi à contrôler ses propres pensées. Ce qui n’est pas aussi facile que de choisir quelle photo publier sur son mur Facebook.

En outre, l’utilisation des données personnelles est, in fine, une question tout aussi cruciale.

En effet, en février 2016, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) épinglait Facebook sur sa gestion des données personnelles collectées à travers le réseau social. Par exemple, bien que l’utilisateur décide volontairement de publier telle photo ou tel commentaire, celui-ci ne souhaite pas forcément voir ce contenu relayé auprès de personnes qu’il ne connaît pas, ni sorti de son contexte ou du réseau social. Que dire du souhait de l’effacer pour de bon ? Que dire des mineurs ?

Ainsi, la CNIL accusait Facebook d’utiliser les données personnelles de ses membres inscrits sans leur accord dans un but commercial. Facebook manquait tout d’abord de transparence dans l’information des membres sur la collecte, l’utilisation des données, les droits des personnes concernées, le profilage (établissement d’un profil à partir d’un traitement automatisé de données personnelles, notamment pour cibler la publicité vers l’internaute visé), et le transfert des données vers les Etats-Unis, ce qui n’était plus possible depuis la décision de la CJUE du 6 octobre 2015.

Aujourd’hui, la protection des données personnelles a été renforcée par le Règlement général de protection des données du 27 avril 2016, en reprenant chacun de ces points.

En conclusion, que craindre de Facebook à l’avenir dans le domaine du transhumanisme ?

Expert depuis plus de vingt ans dans le domaine des NTIC, le Cabinet HAAS reste à votre disposition pour vous conseiller en matière de données personnelles.

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